vendredi 28 octobre 2016

Portrait | Le Petit Bazar - La Note d'Or et La Libraire à Durbuy

Rencontre avec Marie-José & Guy Ninane-Louis

En couple dans le commerce ? Un accord parfait…



Cela fait presque 40 ans que Marie-José et Guy ont développé, chacun avec leur talent, leur activité commerciale au cœur de la Vieille ville de Durbuy. Une aventure que certains pourraient jalouser, mais qui n’a pas toujours été de tout repos. Nous allons tenter de percer le secret de ce succès !


Enfants du pays, c’était une évidence pour vous d’ouvrir un commerce après vos études ?

Oh que nenni, dit Guy en souriant, j’étais fraîchement formé en informatique et j’ai commencé en tant qu’employé dans une société liégeoise. Pour ma part, précise Marie-José, j’avais un titre de restauratrice-hôtelière et j’ai commencé à travailler dans la boulangerie familiale. Ici même, avant La Note d’Or, nous vendions du pain, à tout Durbuy. En 79, Marie-José souhaite ouvrir à son tour un commerce inexistant dans la région et comme le bâtiment d’en face est disponible (16m²), elle propose à Guy de vendre des instruments de musique. Il est en effet musicien émérite et donne régulièrement des soirées dansantes, en plus de quelques cours privés de temps à autre. Ce commerce s’est fait au départ en parallèle à l’autre, je me souviens qu’on avait installé une cordelette entre les deux magasins, qui passait 6 mètres au-dessus de la route, de manière à déclencher une sonnette dans la boulangerie si un client franchissait la porte ! C’est ensuite en 81 que le Petit Bazar, qui était déjà une librairie, a été mis en vente.


Votre esprit d’entreprendre est né d’un seul coup ?

Bien sûr que non !  Ce qui était clair dans ma tête, poursuit Guy, c’est que je ne voulais plus être assis dans un bureau à travailler pour quelqu’un d’autre. Je voulais décider de ma propre activité. C’est en juillet 83 que l’activité de boulangerie se termine et que les instruments de La Note d’Or vont être transférés. C’était déjà à ce moment le seul point presse de la vieille ville, mais vu que nous avons du payer un pas-de-porte et une rente énorme, il nous fallait maintenir les deux activités en parallèle. Je faisais des animations musicales à l’Esplanade et Marie-Jo s’est investie dans la librairie. Aussi, quand on a vu les marges que nous laissait la vente des journaux, il a vite fallu trouver d’autres rentrées. C’est ainsi qu’est venue l’idée de louer une, puis 2 et 3 chambres de notre bâtiment durant l’été. Nous vivions alors dans 3 pièces, laissant l’espace confortable aux visiteurs.


Ce sont ces petites décisions qui créent l’esprit commerçant ?

Bien entendu ! C’est cette capacité à sauter dans l’inconnu, à réinvestir la totalité de ces bénéfices dans son outil professionnel, c’est la capacité à prendre un risque calculé mais pas trop non plus… On a su aussi rebondir en parallèle aux investissements publics faits dans la vieille ville. Le secteur public donnait des signes encourageant pour nous lancer ! Nous nous sentions en confiance avec les clients et avec les fournisseurs. Ceci est peu souvent dit, mais s’il parait évident de parler de la fidélité des clients, il est aussi important de parler de celle des fournisseurs. Ils ont su nous soutenir dans les moments difficiles et accepter par exemple des délais de paiements plus longs que d’habitude, lors notamment de nombreux cambriolages dont nous avons été victimes.

Dès ce moment, vous avez compris qu’il fallait utiliser l’image de Durbuy ?

Il est crucial dans notre métier, précise Marie-José, de savoir proposer continuellement des innovations, être attentifs aux attentes des clients, être curieux. Vous savez, avec la concurrence du web et de chaines comme Trafic ou Casa, on trouve de tout partout. Donc oui, nous avons la chance d’avoir un bijou autour de nous avec cette vieille ville, il faut la valoriser. La libraire n’est jamais qu’un produit d’appel pour la presse et le tabac, nos vrais marges nous les faisons sur les souvenirs. C’est vrai que parfois ce n’est pas du meilleur goût, mais nous correspondons aux attentes des clients.


Entre temps, votre activité d’hébergement s’est bien développée au vu des travaux réalisés en 2008 ?

L’activité musique demandait beaucoup de temps de préparation, nous explique Guy. J’ai cessé petit à petit de composer (NDLR : Guy a enregistré trois vinyles 33 Tours) et d’animer des soirées. Je me concentre maintenant sur les cours privés qui tournent bien. La vente d’instruments est plus difficile car le marché mondial a considérablement changé. Internet est un concurrent sévère, mais mes prix sont alignés sur les marchés du web, avec en plus le service clientèle, explications des produits et suivi du client. L’année passée, par exemple, on a vendu pas moins de 400 ukulélés ! … surtout aux touristes. Cela dit, je reçois encore maintenant des clients fidèles, qui profitent d’une visite à Durbuy pour venir acheter un instrument. J’ai tout de même une expertise assez pointue. Notre activité d’hébergeur a pris de l’ampleur notamment parce que cela nous plaisait. Notre principal hébergement est devenu un hôtel qui dispose aujourd’hui de huit chambres tout confort.  Nous aimons être au service de nos clients. S’il faut monter une valise dans une chambre, nous n’hésitons pas une seconde. C’est peut-être ce qui explique que nous ayons reçu le Certificat d’Excellence de Tripadvisor !

Oh oh, vous êtes maintenant branchés à ce point ?

J’ai toujours eu un intérêt pour l’informatique et il faut bien reconnaître que si l’on ne se trouve pas sur la toile aujourd’hui, on va disparaître. Je réponds dès que je peux aux commentaires sur Tripadvisor ou Booking, je partage sur Facebook et nous avons même adhéré au système « Je shoppe à Durbuy ». Il nous faut saisir toutes ces opportunités pour défendre notre ruralité, sinon, qui va savoir ce que nous faisons et si nous le faisons bien ?

Quel regard portez-vous sur le développement de la vieille ville ?

Je ne vous cache pas que l’histoire des parcmètres et des parkings motos nous a un peu fâché. Ces décisions ne sont pas totalement mauvaises mais appliquées en dépit du bon sens . Avez-vous déjà observé maintenant combien d’habitants locaux fréquentent Durbuy ? Ça fait peur. Et nous sommes dans un cercle vicieux car maintenant plusieurs commerces n’ouvrent plus que le week-end. Nous transformons cette ville en un musée à ciel ouvert. Ce qui est difficile c’est qu’il y a de moins en moins d’esprit collectif. L’individualisme gagne du terrain…

Alors à ce rythme, la pension ne s’envisage pas de suite ?

Notre commerce, c’est notre vie. Ce sont bien nos petits-enfants qui, de plus en plus, nous arrachent à notre quotidien. Ce qui nous rend fiers, c’est que nos trois fils reprennent avec brio les rennes. Que ce soit ici à la librairie, à la Vieille Demeure, au Bistro Julia ou à l’Incontournable. Ils ont, chacun à leur manière, envie de consacrer leur temps au développement de Durbuy ! Quant à nous, nous avons investi très tard, il nous faudra travailler encore quelques années pour rembourser tout ça… Une transmission d’entreprise cela prend bien dix petites années, non ? (rires)

C’est donc l’idéal de travailler en couple ?

On ne pourrait plus faire autrement (sourires complices) tant nous avons acquis au fil des ans une auto discipline respective ! Chacun est devenu le garde fou de l’autre et tolère sans problème ses petites manies… et compétences ;-)


Rue Comte Th. d'Ursel 18-20
6940 Durbuy
Tél.: 086 21 27 12

Entretien rédigé par Xavier Lechien


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