André et Daniel Nutal - Menuiserie Nutal & Fils à Barvaux |
La menuiserie fête ses 30 ans d’existence cette année. L’occasion d’aller à la rencontre d’André et Daniel Nutal, deux frères passionnés du métier et complémentaires dans la gestion de leur activité !
« André et Daniel Nutal : ces deux là touchent du bois tous les jours et ça leur va plutôt bien ! »
ADL : 30 ans ! C’est un sacré bout de chemin parcouru ! Racontez-nous vos débuts
André et Daniel Nutal (ADN) : C’est une histoire qui débute assez simplement : notre père était dans le métier et nous avons marché dans ses pas. Nous avons débuté au bas de l’échelle en travaillant comme apprentis, pour lui. L’atelier était situé, à l’époque, Rue des Jardins à Barvaux. Après nos 4 ans d’apprentissage, on se souvient des mots prononcés par le comptable à l’attention de notre père : « Mr Nutal, soit vos fils vont exercer le métier de menuisier ailleurs, soit vous les garder à vos côtés mais en investissant dans un espace plus grand ! ». Il a opté pour la deuxième proposition avec la nuance suivante : nous avons fait notre patronat et avons ensuite créé une sprl en engageant notre père comme ouvrier. Si l’entreprise se nomme « Nutal et Fils », c’est par respect pour notre papa. Parallèlement, nous avons entamé des démarches auprès de la commune et d’IDELUX pour l’acquisition d’un terrain plus grand et pour construire un nouvel atelier. On nous a suggéré cet emplacement. C’était il y a 30 ans !
ADL : Que pensez-vous du développement du parc d’activités économiques ces dernières années ?
A.D.N. : Ce serait mieux, pour tout le monde, qu’il soit plus visible.
ADL : Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce métier ?
André : La matière première : la noblesse du bois. Pouvoir travailler une matière vivante qui reste dans le temps. Beaucoup de choses deviennent standardisées mais, moi, j’aime mettre ma griffe sur certaines réalisations.
Daniel : Il est vrai que c’est une grande satisfaction de voir l’ouvrage réalisé toujours là après 20 ou 30 ans.
ADL : Si je comprends bien, vous avez toujours travaillé ensemble. Vous devez drôlement bien vous entendre…
A.D.N. : Il FAUT s’entendre ! On fonctionne un peu comme dans un couple : il y a des hauts et des bas. Mais notre complémentarité y est sans doute pour quelque chose : je gère plus volontiers les aspects administratifs tels que la relation client, la prise des mesures, la rédaction des devis, etc. André a une affinité plus marquée pour le « technico-pratique » : la réparation des machines, la présence sur chantier…
ADL : En parlant des ouvriers, combien sont-ils ?
A.D.N. : Il y a six ouvriers ainsi qu’un apprenti. Mais notre équipe se compose également d’une personne pour l’administratif. En tout, nous sommes dix. C’est déjà une belle équipe, n’est-ce pas ? Cependant, on met un point d’honneur à entretenir une atmosphère familiale. Par exemple, le vendredi fin de journée, on boit un verre avec les hommes, on parle de tout et de rien, on fête la St Nicolas, on se réjouit du mariage de l’un ou de la naissance d’un petit chez l’autre. Nous sommes surtout fiers de pouvoir donner de l’emploi à quelques personnes de la région et de permettre à ces hommes de concrétiser leurs projets (construire une maison, par exemple).
ADL : Quels types d’ouvrages fabriquez-vous ?
A.D.N. : Nous avons continué sur la voie de notre papa qui faisait de la menuiserie générale. C’est-à-dire qu’il réalisait des châssis, des portes d’intérieur et des escaliers. Quand nous avons créé la société, nous avons voulu la développer en réalisant des charpentes, en travaillant avec l’un ou l’autre promoteur et clients privés etc. Concrètement, nous réalisons des portes d’intérieur en chêne massif, des escaliers en chêne, en hêtre…, des placards, des volets, des terrasses (ossature + sol), etc. Au contraire d’autres qui se spécialisent dans la réalisation d’escaliers ou de châssis, par exemple, nous, nous faisons de la menuiserie générale. Tous les membres du personnel doivent être polyvalents. Mais la fabrication de châssis bois représente la majeure partie de notre travail.
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Quelques exemples de réalisations de la Menuiserie Nutal et Fils |
ADL : Malgré le vif succès rencontré par les châssis en PVC et en alu ?
A.D.N. : Et bien, pour répondre à la demande des clients qui optent, en effet, de plus en plus pour ce type de châssis (pour éviter de repeindre les boiseries, surtout), nous avons fait le choix de devenir revendeurs.
ADL : Vous sortez, alors, de votre activité propre de menuiserie pour répondre à la demande de la clientèle…
A.D.N. : Si on veut continuer à grandir et à faire vivre notre société, on DOIT s’adapter ! Encore un autre exemple : 99% des châssis bois que nous fabriquons sont peints à l’atelier. Il y avait une demande de la part des clients de pouvoir bénéficier d’un produit fini. On a donc voulu ajouter cette corde à notre arc. Cela fait maintenant bientôt 25 ans qu’on a fait cet investissement pour peindre, nous-mêmes, nos châssis (local, matériel, apprentissage des techniques, mises aux normes…).
Etre à l’écoute de sa clientèle et s’adapter pour aller de l’avant, c’est un peu notre leitmotiv.
ADL : Je vois toute une série de diplômes et certificats accrochés au mur. De quoi s’agit-il ?
A.D.N. : Nous fabriquons des châssis pour des privés mais nous en fabriquons également pour des gens du métier. Afin de pouvoir réaliser des châssis pour d’autres menuisiers, nous sommes tenus d’être titulaires d’une agréation BCCA (Belgium Construction Certification Association). Cela nous a obligés à mettre en place tout un tas de choses et, tous les 6 mois, des contrôles (tests d’étanchéité, de résistance…) sont effectués sur nos châssis afin de tester leurs performances. On doit être au top ! Nous profitons de l’occasion pour dire que nous cherchons toujours de nouveaux menuisiers avec lesquels nous pourrions travailler en partenariat.
ADL : Vous parlez d’agréation, de certification… Comment vous tenez-vous au courant ? Voyez-vous cela comme une contrainte ?
A.D.N. : Notre affiliation à la Chambre Patronale de la Construction nous permet d’être tenus informés des nouveautés (normes, exigences…). Une contrainte ? Disons juste qu’il faut suivre les nouveautés et qu’il est nécessaire se recycler de temps en temps. Ceci dit, ça permet également des remises en question pour aller de l’avant. Souvent présent aux formations organisées et avec sa volonté de toujours aller de l’avant, André a été désigné comme expert conciliateur à la Fédération wallonne des Menuisiers belges. Cela signifie que s’il y a un litige (infiltration d’eau sur un châssis, malfaçon sur un escalier…), il peut être appelé pour trouver une solution à l’amiable.
ADL : Vous définissez-vous comme « artisan » ?
A.D.N. : Ah oui, sans hésitation !
ADL : Malgré les machines ?
A.D.N. : Malgré les machines, oui ! Nous sommes des artisans modernes (rires).
Il faut vivre avec son temps et les machines sont là aussi pour permettre de réduire le coût de production.
ADL : Si on vous commande un ouvrage demain. Quel est votre délai de fabrication et de placement ?
A.D.N. : Pour des châssis, environ quatre à cinq semaines. Si c’est pour la réalisation d’un escalier, le délai sera un peu plus long car nous en avons, pour l’instant quelques-uns en attente de réalisation. Comptez donc environ deux mois.
ADL : Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être un bon menuisier ?
A.D.N. : La précision est sans aucun doute le plus grand atout que doit avoir un menuisier. Réaliser un escalier, par exemple, c’est au millimètre près. Imaginez que vous le faites plus haut de 1 mm à chaque marche, s’il y a 15 marches, vous arrivez avec une hauteur de 15 mm de dépassement en haut des marches. Pareil pour un châssis.
C’est aussi un métier où il faut sans cesse réfléchir, se poser des questions.
ADL : Avec quelles essences de bois travaillez-vous ?
A.D.N. : Avec le méranti némésu qui est un bois dense, avec l’afzélia qui est la « Rolls Royce » des bois. On fabrique des châssis lamellés collés en chêne. On opte pour le lamellé collé car il est beaucoup plus stable (trouver du 80 mm sec, en chêne, ce n’est pas possible). Le mélèze est aussi travaillé en lamellé collé. Mais on peut travailler d’autres essences en fonction des demandes de la clientèle, bien entendu.
ADL : Quelles sont les principales étapes de fabrication ?
A.D.N. : Après l’encodage des mesures et leur transmission à l’atelier, il y a le débitage des bois, puis le rabotage. Ensuite, l’ouvrier établit ses bois. Cela signifie qu’il est attentif à ce qu’aucun défaut majeur ne soit présent sur ceux-ci. Enfin, l’usinage (NDLR : façonnage d'une pièce brute pour l'amener à sa forme définitive) et la finition avec une ponceuse calibreuse.
Notre devise, c’est : « Trouver les défauts avant qu’on nous le dise ». Nous sommes strictes avec nous-mêmes. Sur nos camionnettes, il y a un slogan : « Un métier, une passion ». Nous sommes réellement des passionnés de menuiserie !
ADL : Et que faites-vous des chutes de bois et des copeaux ?
A.D.N. : Nous avons investi dans une chaudière à bois qui nous permet de chauffer l’atelier. Il n’y a donc aucune perte ! Il faut juste penser à remplir le poêle 2 à 3 fois par jour (rires).
ADL : Parlons de votre personnel…
A.D.N. : Les ¾ ont été formés comme apprentis chez nous ou lors d’un stage PFI (Plan Formation Insertion). Certains hommes sont là depuis de nombreuses années ! Et quand un nouvel ouvrier intègre l’équipe, ce sont bien souvent les anciens qui nous disent si la personne conviendra ou non. Ils le sentent…
ADL : Justement, sur quels critères engagez-vous ?
A.D.N. : On est un peu obligés de se fier à ce qu’ils nous disent mais leur manière de rentrer dans l’atelier et de poigner dans le bois et les outils sont d’excellents indicateurs ! La motivation est un critère de choix également !
ADL : Quelle est votre clientèle ?
A.D.N. : Comme on le disait ci-dessus, nous travaillons pour d’autres menuisiers ainsi que pour des particuliers. Nous tenons à rester dans un rayon de 35 km autour de Durbuy. Travailler sur Bruxelles, ce n’est pas pour nous…
Ce qui nous fait énormément plaisir, c’est d’avoir des clients qui viennent sur les conseils de leurs parents. Preuve de la satisfaction du travail effectué pour ces derniers, il y a quelques années.
ADL : Quelle est votre plus grande crainte / satisfaction ?
A.D.N. : La satisfaction de voir tous les travaux qu’on a déjà réalisés et qui sont toujours là et, comme nous venons de le dire, de revoir des clients ou leurs enfants qui font, à nouveau, appel à nous.
La crainte ? Un incendie dans l’atelier car, non seulement c’est notre gagne pain, mais c’est aussi un atelier que nous avons construit de nos propres mains.
ADL : Quelles sont les avantages et les inconvénients du métier ?
A.D.N. :Inconvénients : sur chantier, on passe après d’autres corps de métier et, c’est là que ça se corse. Les menuisiers doivent bien souvent composer avec une maçonnerie qui, elle, par exemple, n’est pas réalisée au millimètre près. Un placement de porte devient alors un véritable casse-tête ! Mais ce sont les aléas du métier ! La conjoncture actuelle et la morosité ambiante nous pèsent également.
Avantage : travailler une matière noble et durable.
ADL : Avec votre recul, 30 ans d’expérience, comment avez-vous vu le métier évoluer ?
A.D.N. : L’évolution concerne surtout les machines, les techniques de fabrication et les contraintes administratives.
ADL : Pensez-vous que c’est un métier d’avenir ?
A.D.N. : Oui pour celui qui s’y tient et qui est motivé.
ADL : Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?
A.D.N. : Prendre notre pension (rires) ! Plus sérieusement, continuer comme on le fait. Pouvoir donner du travail à quelques personnes de la région. C’est une fierté, vous savez ! Chez nous, nos ouvriers ne sont pas des numéros : ils sont considérés. Mais nous sommes exigeants. Si on ne l’était pas, l’entreprise n’existerait plus !
ADL : Justement, vos enfants souhaitent-ils reprendre ?
A.D.N. : C’est la question qu’il ne fallait pas poser… Il n’y a pas de repreneur ou, en tout cas, pas dans l’immédiat. Ça aurait été magnifique d’avoir une continuité familiale mais il peut aussi y avoir une continuité en dehors de la famille. On espère, en tout cas, que la société perdurera après nous, sous notre nom ou sous un autre…
ADL : Quel(s) conseil(s) pour un jeune qui souhaiterait se lancer dans le métier ?
A.D.N. : Etre passionné, motivé, ne pas compter ses heures, se remettre en question. Etre patient vis-à-vis des clients également ! Et ne pas oublier de continuer à s’octroyer, malgré tout, du temps pour soi. Ce que nous n'avons pas fait assez !
Menuiserie Nutal et Fils
Rue de l'Industrie 9 | 6940 Barvaux
Tél. : 086 21 29 92
nutal.fils@gmail.com
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